M. d’Aranda, s’éclairait des premières lueurs du bon sens général : les jésuites en avaient été expulsés par le gouvernement. L’inquisition y laissait éteindre ses bûchers. La noblesse espagnole rougissait de l’ochlocratie sacrée de ses moines. Voltaire avait des correspondants à Cadix et à Madrid. La contrebande de nos pensées était favorisée par ceux mêmes qui étaient chargés de la prévenir. Nos livres passaient à travers les neiges des Pyrénées. Le fanatisme, traqué par la lumière dans son dernier repaire, sentait l’Espagne lui échapper. L’excès même d’une tyrannie longtemps soufferte y préparait les âmes ardentes aux excès de la liberté.
En Italie et à Rome même, le catholicisme du moyen âge s’éclairait des reflets du temps. Il jouait même avec les armes dangereuses que la philosophie allait tourner contre lui. Il semblait se considérer comme une institution affaiblie, qui devait se faire pardonner sa durée par des complaisances envers les princes et envers le siècle. Benoît XIV, Lambertini, recevait de Voltaire la dédicace de Mahomet. Les cardinaux Passionei et Quirini étaient en correspondance avec Ferney. Rome recommandait dans ses bulles la tolérance pour les dissidents et l’obéissance aux princes. Le pape désavouait et réformait la compagnie de Jésus. Il caressait l’esprit du siècle. Clément XIV, Ganganelli, abolissait l’ordre des jésuites, confisquait leurs biens et enfermait leur supérieur, Ricci, au château Saint-Ange. Sévère seulement pour les zélateurs exagérés de la foi, il enchantait le monde chrétien par la douceur évangélique et par la grâce et le sel de son esprit ; mais la plaisanterie est la première profanation des dogmes. La foule d’étrangers et d’Anglais que son accueil attirait en