Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/367

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commandement de la milice civile ? renversé la Bastille avec les gardes-françaises insurgées ? marché à Versailles, à la tête de la populace de Paris ? laissé forcer le château le 6 octobre ? arrêté la famille royale à Varennes et gardé le roi prisonnier dans son palais ? Résisterait-il si le peuple lui demandait plus ? S’arrêterait-il au milieu du rôle de Washington français, après en avoir accompli plus de la moitié ? D’ailleurs, le cœur humain est ainsi fait, qu’on aime mieux se jeter dans les mains de ceux qui nous perdent que de chercher son salut dans les mains de celui qui nous rabaisse. La Fayette abaissait le roi et surtout la reine. Une indépendance respectueuse était l’expression habituelle de la figure de La Fayette en présence de Marie-Antoinette. On lisait dans l’attitude du général, on reconnaissait dans ses paroles, on démêlait dans son accent, sous les formes froides et polies de l’homme de cour, l’inflexibilité du citoyen. La reine préférait le factieux. Elle s’en expliquait ouvertement avec ses confidents. « M. de La Fayette, leur disait-elle, ne veut être maire de Paris que pour devenir bientôt maire du palais. Pétion est jacobin, républicain, mais c’est un sot incapable d’être jamais un chef de parti ; ce sera un maire nul. D’ailleurs il est possible que l’intérêt qu’il sait que nous prenons à sa nomination le ramène au roi. »

Pétion était fils d’un procureur au présidial de Chartres. Compatriote de Brissot, il s’était nourri avec lui des mêmes études, de la même philosophie et des mêmes haines. C’étaient deux hommes d’un même esprit. La Révolution, qui avait été l’idéal de leur jeunesse, les avait appelés le même jour sur la scène, mais pour des rôles différents. Brissot, écrivain, aventurier politique, journaliste, était l’homme des idées ; Pétion était l’homme de main. Il avait dans la