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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/409

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gnèrent à cette âme nourrie par les philosophes de vérité, de liberté et de vertu antique. Les noms obscurs, le costume bourgeois des parents qui la conduisaient à ce spectacle, ne laissaient tomber sur elle que des regards sans attention et quelques mots qui sentaient moins la faveur que la protection. Le sentiment de sa jeunesse, de sa beauté et de son mérite, inaperçus de cette foule qui n’adorait que la faveur ou l’étiquette, lui pesait sur le cœur. La philosophie, la fierté naturelle, l’imagination et la rigidité de son âme étaient également blessées dans ce séjour. « J’aimais mieux, dit-elle, les statues des jardins que les personnages du palais. » Et sa mère lui demandant si elle était contente du voyage : « Oui, répondit-elle, pourvu qu’il finisse bientôt ; encore quelques jours, et je détesterais tant les gens que je vois, que je ne saurais plus que faire de ma haine. — Quel mal te font-ils ? répliqua sa mère. — Sentir l’injustice et contempler l’absurdité. » En voyant ces splendeurs du despotisme de Louis XIV qui s’éteignaient dans la corruption, elle songeait à Athènes ; et elle oubliait la mort de Socrate, l’exil d’Aristide, la condamnation de Phocion. « Je ne prévoyais pas, dit-elle tristement en écrivant ces lignes, que la destinée me réservait à être témoin de crimes pareils à ceux dont ils furent les victimes, et à participer à la gloire de leurs martyres après avoir professé leurs principes. »

Ainsi l’imagination, le caractère et les études de cette femme la préparaient, à son insu, pour la république. La religion seule, alors si puissante sur elle, aurait pu la retenir dans la résignation qui soumet les pensées à l’ordre de Dieu. Mais la philosophie devint sa foi : cette foi fit partie de sa politique. L’émancipation des peuples se lia dans