rité de l’aristocratie, elle s’en indigna davantage et sentit redoubler sa haine contre un parti qu’on pouvait abattre, mais qu’on ne pouvait humilier.
XV
C’est à cette époque que son mari et elle se lièrent avec quelques-uns des hommes les plus fervents parmi les apôtres des idées populaires. Ce n’étaient pas ceux qui brillaient davantage de la faveur du peuple et de l’éclat du talent, c’étaient ceux qui lui paraissaient aimer la Révolution pour la Révolution elle-même, et se dévouer avec un désintéressement sublime, non au succès de leur fortune, mais au progrès de l’humanité. Brissot vint un des premiers. M. et madame Roland étaient, depuis longtemps, en correspondance avec lui sur des sujets d’économie publique et sur les grands problèmes de la liberté. Leurs idées avaient fraternisé et grandi ensemble. Ils étaient unis d’avance par toutes les fibres des cœurs révolutionnaires ; mais ils ne se connaissaient pas. Brissot, dont la vie aventureuse et la polémique infatigable avaient de l’analogie avec la jeunesse de Mirabeau, s’était fait déjà un nom dans le journalisme et dans les clubs. Madame Roland l’attendit avec respect ; elle était curieuse de juger si les traits du visage répondaient en lui à la physionomie de l’âme. Elle croyait que la nature se révélait par toutes les formes, et que l’intelligence et la vertu modelaient les sens extérieurs