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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/433

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l’émigration armée, l’Europe menaçante, le roi indécis, ne pouvait manquer de succomber sous ses bonnes intentions. Son plan était d’éviter la guerre à son pays par des temporisations et des négociations ; de suspendre les démonstrations hostiles des puissances ; de montrer à l’Assemblée intimidée le roi comme le seul arbitre et le seul négociateur de la paix entre son peuple et l’étranger ; il espérait ajourner ainsi les derniers chocs entre l’Assemblée et le trône, et rétablir l’autorité régulière du roi en maintenant la paix. Les dispositions personnelles de l’empereur Léopold l’aidaient dans cette pensée ; il n’avait contre lui que la fatalité qui pousse les choses et les hommes au dénoûment. Les Girondins, Brissot surtout, l’assiégeaient de leurs accusations ; c’était l’homme qui pouvait le plus retarder leur triomphe. En le sacrifiant, ils sacrifiaient tout un système ; leur presse et leurs discours le désignaient à la fureur du peuple ; les partisans de la guerre l’avaient marqué pour victime. Il ne trahissait point ; mais pour eux négocier c’était trahir. Le roi, qui le savait irréprochable et qui s’associait à ses plans, refusait de le sacrifier à ses ennemis, et amassait ainsi plus de ressentiments contre le ministre.

Quant à M. de Molleville, c’était un ennemi secret de la constitution. Il conseillait au roi l’hypocrisie, s’enveloppant de la lettre pour tuer l’esprit de la loi, marchant par des souterrains à une catastrophe violente, de laquelle la cause monarchique devait, selon lui, sortir victorieuse ; croyant à la puissance de l’intrigue plus qu’à la puissance de l’opinion, cherchant partout des traîtres à la cause populaire, soldant des espions, marchandant toutes les consciences, ne croyant à l’incorruptibilité de personne, en-