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cernés à ceux qui s’étaient armés contre les lois ; des bandes de citoyens et de citoyennes, les piques des faubourgs, l’absence des baïonnettes civiques ; des vociférations menaçantes, la musique des théâtres, des hymnes démagogiques, des stations dérisoires à la Bastille, à l’hôtel de ville, au Champ de Mars, à l’autel de la patrie ; des rondes immenses et désordonnées, dansées, à plusieurs reprises, par ces chaînes d’hommes et de femmes autour de la galère triomphale et aux refrains cyniques de l’air de la Carmagnole ; des embrassements plus obscènes que patriotiques entre ces femmes et ces soldats se précipitant dans les bras les uns des autres, et, pour comble d’avilissement des lois, Pétion, le maire de Paris, les magistrats du peuple, assistant en corps à cette fête et sanctionnant cette insulte triomphale aux lois par leur faiblesse ou par leur complicité : telle fut cette fête, humiliante copie du 14 juillet, parodie honteuse d’une insurrection qui avait préludé à une révolution ! La France rougit, les bons citoyens furent consternés, la garde nationale commença à craindre les piques, la ville à craindre les faubourgs, et l’armée y reçut le signal de la plus complète désorganisation.

L’indignation des constitutionnels éclata en strophes ironiques dans un hymne d’André Chénier, où ce jeune poëte vengeait les lois et se marquait lui-même pour l’échafaud :


Salut, divin triomphe ! entre dans nos murailles !
Rends-nous ces soldats illustrés
Par le sang de Désille et par les funérailles
De nos citoyens massacrés !


FIN DU PREMIER VOLUME DES GIRONDINS.