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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/57

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M. de La Fayette la fit avec héroïsme et dévouement. Il conquit l’amitié de Washington. Un nom français fut écrit par lui sur l’acte de naissance d’une nation transatlantique. Ce nom revint en France comme un écho de liberté et de gloire. La popularité, qui s’attache à tout ce qui brille, s’en empara au retour de La Fayette dans sa patrie ; elle enivra le jeune héros. L’opinion l’adopta, l’Opéra l’applaudit, les actrices le couronnèrent. La reine lui sourit, le roi le fit général, Franklin le fit citoyen, l’enthousiasme national en fit son idole. Cet enivrement de la faveur publique décida de sa vie ; La Fayette trouva cette popularité si douce qu’il ne voulut plus consentir à la perdre. Les applaudissements ne sont pas de la gloire. Plus tard il mérita celle dont il était digne. Il donnait à la démocratie son caractère, l’honnêteté.

Le 14 juillet, M. de La Fayette se trouva tout prêt pour être élevé sur le pavois de la bourgeoisie de Paris. Frondeur de la cour, révolutionnaire de bonne maison, aristocrate par la naissance, démocrate par principes, rayonnant d’une renommée militaire acquise au loin, il réunissait beaucoup de conditions pour rallier à lui une milice civique et devenir, dans les revues du Champ de Mars, le chef naturel d’une armée de citoyens. Sa gloire d’Amérique rejaillissait à Paris. La distance grandit tout prestige. Le sien était immense. Ce nom résumait et éclipsait tout. Necker, Mirabeau, le duc d’Orléans, ces trois popularités vigoureuses, pâlirent. La Fayette fut le nom de la nation pendant trois ans. Arbitre suprême, il portait à l’Assemblée son autorité de commandant de la garde nationale ; il rapportait à la garde nationale son autorité de membre influent de l’Assemblée. De ces deux titres réunis il se faisait