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Tuileries pour s’assurer par lui-même que les mesures provoquées par les révélations de la journée étaient bien prises. Elle frissonna en reconnaissant l’homme qui représentait à ses yeux l’insurrection et la captivité ; mais, en échappant à son regard, elle crut avoir échappé à la nation même, et elle sourit en faisant tout haut un retour sur la déception de ce surveillant trompé qui, le lendemain, ne pourrait plus rendre au peuple ses captifs. Madame Élisabeth, appuyée aussi sur le bras d’un des gardes, suivait à quelque distance. Le roi avait voulu sortir le dernier avec le Dauphin, âgé de sept ans. Le comte de Fersen, déguisé en cocher, marchait un peu plus loin devant le roi et lui servait de guide. Le rendez-vous de la famille royale était au coin de la rue de l’Échelle, entre la rue Saint-Honoré et les Tuileries, où une voiture bourgeoise attendait les voyageurs. La marquise de Tourzel les y avait devancés.

Dans le trouble d’une fuite si hasardeuse et si compliquée, la reine et son guide traversèrent le Pont-Royal et s’enfoncèrent un instant dans la rue du Bac. S’apercevant de son erreur, l’inquiétude la saisit, elle revint précipitamment sur ses pas. Le roi et son fils, obligés de venir au même endroit par des rues détournées et par un autre pont, tardèrent une demi-heure. Ce fut un siècle pour sa femme et pour sa sœur. Enfin ils arrivèrent, ils se précipitèrent dans la voiture ; le comte de Fersen monta sur le siége, saisit les rênes et conduisit lui-même la famille royale jusqu’au delà de la barrière Saint-Martin. Là, on trouva, par les soins du comte, la berline construite pour le roi attelée de quatre chevaux appartenant à M. de Fersen, et conduite par son cocher monté en postillon. Le roi,