Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/103

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quefois à moi-même. Est-ce que nous n’avons pas une véritable parenté de corps avec cette terre d’où nous sortons, où nous rentrons, qui nous porte, qui nous abreuve, qui nous nourrit comme une nourrice de ses mamelles ? Est-ce que notre chair n’est pas de sa chair ? Est-ce que notre sang n’est pas de l’eau de ses veines ? Est-ce qu’il n’y a pas entre elle et nous une véritable parenté de corps qui fait que, quand nous prenons dans la main une poignée de sable ou une motte de terre des collines qui nous ont portés, nous pouvons dire à ce grain de sable : Tu es mon frère et à cette motte de terre : Tu es ma mère ou ma sœur ? Et cette terre ne semble-t-elle pas aussi nous répondre et nous aimer, nous, et nous dire : Oui, je vous reconnais, vous êtes de moi ; chacun de vos membres et de vos os, c’est moi qui vous les ai donnés ! Je suis glorieuse de vous comme une mère de ses enfants, comme je suis glorieuse de ce hêtre, de ce sapin ou de ce châtaignier qu’on vient admirer sur mes pentes ! Vous seriez des ingrats si vous ne m’aimiez pas, si mon souvenir et mon image ne vous poursuivaient pas, quand vous êtes loin de moi, sur d’autres terres, et ne vous rappelaient pas la nuit, dans vos songes, à la colline qui