Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/117

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Lui. — Oui, monsieur, mon idée et mon cœur aussi.

Moi. — Cela tient sans doute à toutes vos autres idées et à toutes les racines de votre cœur si je ne craignais pas de le faire saigner en y touchant, je vous demanderais de m’expliquer ce mystère en me racontant un peu de votre vie.

Lui. — Que voulez-vous que je vous raconte, monsieur ? Nous n’avons pas de vie, nous autres ; nous n’avons que notre état et notre pain à gagner. Un coup de marteau sonne comme l’autre, un morceau de pain a le goût de l’autre. Qu’y a-t-il là pour vous intéresser ?

Moi. — C’est vrai ; votre état est uniforme, et votre pain est toujours pétri de la même pâte. Vous n’avez pas d’aventures, mais vous avez un cœur et une âme. C’est l’histoire de votre cœur et de votre âme dont je voudrais savoir quelque chose, voyez-vous, afin de comprendre comment vous avez été rendu par le temps si tendre et si compatissant aux affligés, et afin de glorifier le bon Dieu dans cette simplicité d’une âme obscure comme dans la sublimité d’un grand génie.