Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/132

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de grosse toile. Son visage était tout caché dans ses cheveux répandus comme les fils du maïs sur l’épi mûr. On aurait dit un écheveau mal dévidé ou une toison d’agneau brun qu’on vient de laver à la fontaine on ne savait plus où étaient sa bouche et son front. Et puis, si une bouffée de vent venait à souffler et entrouvrir légèrement cette fine toile, on voyait d’abord sa bouche rose, puis ses joues un peu pâles, puis ses grands yeux bleus tout éblouis du soleil, qui regardaient d’un regard si clair et si doux le visage de la mère, que sa fille, si elle en avait eu, n’aurait pas pu la regarder autrement. Ça nous faisait rire, ma mère et moi, et nous plaignions bien tout bas, en nous-mêmes, le pauvre Gratien de ne pas pouvoir rire de ce qui nous faisait rire et voir ce que nous voyions dans ces moments-là. Il me disait : Comment est-elle donc ? Et qu’est-ce que font la mère et Denise, qui vous fait rire ? Et je lui disais : Elle est assise, elle est couchée à la renverse, elle a la tête sur le tablier, elle a le visage caché dans ses mains, elle a les yeux aveuglés par ses cheveux, le vent les enlève comme une poignée de feuilles mortes, le houx lui a laissé tomber une de ses grappes rouges sur la bouche. Et ça l’amu-