Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/146

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pas ce visage-là. Tu veux m’attraper ou tu veux rire, Denise ; ça n’est pas bien tu sais qu’il ne faut pas badiner avec les aveugles, parce qu’ils ne peuvent pas voir si on dit vrai ou faux. » Puis, se tournant de mon côté en entendant rire la jeune fille, « Dis-moi, Claude, comment elle est ? » Et alors je lui disais : « Elle a les cheveux de la couleur des feuilles mortes quand le vent les fait miroiter au bout des branches, au mois d’octobre, après les gelées ; elle a les yeux brillants comme des morceaux de vitres du château, quand le soleil du matin les traverse pour entrer dans les chambres pleines de choses qui reluisent et qu’on ne peut pas regarder sans s’aveugler ; elle a la peau vermeille et changeante comme les pommes d’été que notre oncle le coquetier allait vendre dans les villages, et que nous ramassions pour jouer sur la porte, quand il en roulait une de ses paniers. Elle est grande comme la porte de la maison sous laquelle elle est obligée de baisser un peu la tête quand elle entre ou sort pour son ouvrage. Elle a les pieds et les mains aussi polis et aussi blancs que les cailloux de notre fontaine ; elle marche, pieds nus, aussi fièrement et aussi gracieusement qu’une dame qui traverse une église et qu’on