Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/153

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il attendait sans jamais se fâcher. Bien des femmes auraient pu l’aimer, croyez moi car elles aiment un enfant qui ne peut pas se passer d’elles.

III.

Quant à moi, monsieur, je n’avais ni les mêmes yeux, ni les mêmes cheveux, ni le même caractère. On aurait dit que notre mère nous avait rêvés, pendant qu’elle nous portait, de deux bois différents : lui de saule, moi de sapin. Il était souple comme l’un, j’étais droit et sombre comme l’autre ; j’avais les cheveux noirs comme j’ai les yeux, le visage long, les couleurs pâles, les joues velues de poil follet, les lèvres plus souvent fermées qu’ouvertes, les bras bien découplés pour mon ouvrage, le regard souvent songeur, comme si j’avais perdu quelque chose que les étoiles me gardaient, comme me disait Denise en se raillant doucement de moi. Enfin, monsieur, j’étais pensif, quoique jeune. Je n’aimais pas la compagnie autant que mon frère. Je ne me trouvais content que tout seul dans ma carrière, ou bien avec ma mère, mon frère, ma petite sœur et Denise.