Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/157

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nait seule m’apporter mon pain et mon lait dans un panier pour ma journée. Mais alors elle ne s’arrêtait pas, monsieur. Elle posait le panier sur une grosse pierre au pied de l’échelle de corde où j’étais quasi toujours suspendu contre les flancs de mon rocher ; elle m’appelait d’en bas avec une voix toute tressaillante de crainte, puis elle se sauvait en mettant la main sur ses yeux, comme si elle eût peur de me voir descendre de si haut.

V.

C’est là que je me plaisais le plus, monsieur, parce que personne, excepté Denise, ne venait m’y déranger de mon ouvrage en me regardant et en me demandant, comme dans les hameaux, ceci ou cela. Le métier de mon père me contentait plus que n’eût fait un métier plus riche et plus savant. Je me disais : Tu fais ce qu’a fait ton père, et peut-être avec le temps le feras-tu aussi bien que lui-même. Il serait content, s’il revenait, de te voir là à son ouvrage. D’ailleurs, ce métier ne commande pas comme les autres. On peut le laisser et le reprendre quand on