Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/176

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d’elle, chaude comme une goutte de pluie d’été, tomba sur le dos de ma main dans l’herbe. Je sentis bien que ce n’était pas de la rosée. Tiens, me dis-je en moi-même, tout bouleversé, est-ce qu’on pleure aussi tiède pour quelqu’un qu’on voit partir de la maison avec plaisir ? Ça me fit relever les yeux sur les siens en nous redressant. Justement elle tenait la bourse et le crucifix dans le bout de ses doigts pour me les tendre, et elle levait aussi ses yeux vers moi pour me prier de tout son cœur de les reprendre. Vous auriez dit deux larges fleurs bleues de pervenches de la fontaine, quand en enlevant sa cruche pleine elle laissait par hasard rouler de l’eau sur leurs feuilles. Elle me regardait avec tant d’humilité à travers cette pluie de ses yeux, il y avait tant de prière dans son regard levé en haut vers le ciel ou vers moi, que je me mis à pleurer aussi sans savoir de quoi, et que nous restâmes là un bon moment l’un devant l’autre, sanglotant comme des bêtes, les mains jointes autour de la bourse et du crucifix, sans plus parler que si nous avions été deux troncs d’arbre.