Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/203

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bras pendants et les yeux tristement fixés sur les Huttes.

J’avais passé ainsi bien des journées, lorsqu’un soir, en remontant, j’entendis sonner la cloche de Saint-Point, qui met si bien dans le cœur la pensée du bon Dieu. J’étais si attendri par mes pensées du jour, que je fus saisi de piété en l’entendant. Je priai à chaudes larmes en songeant à Gratien, à mon frère malade, en pensant que ma résistance faisait durer sa maladie et sa peine, et mettait le chagrin à la maison. Je me dis que c’était mal de retarder ainsi sa guérison, qu’il fallait bien renoncer à Denise, et que Dieu le voulait.

J’arrivai aux Huttes ainsi préparé à mon devoir, lorsque je rencontrai dans la cour Denise qui semblait m’attendre. « Eh bien ! Claude, me dit-elle, Gratien souffre toujours ; j’ai peur que Dieu nous maudisse, si nous le laissons ainsi dépérir. Il faut sauver notre frère aveugle. Vous êtes clairvoyant, vous ; vous êtes capable de gagner votre vie avec vos deux bras ; les filles ne vous manqueront pas pour fiancée dans le pays ; tout le monde vous estime comme un premier ouvrier et comme un brave garçon ! Allons tâchez de ne plus penser à moi ;