Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/244

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main ! Et ça me donnait toujours un nouveau cœur à l’ouvrage.

Et quand les camarades me disaient : « Mais si tu ne ramasses rien pour toi, que feras tu, Claude, dans ta vieillesse ? » Oh ! alors, je répondais : « J’ai un frère et une sœur aux Huttes, qui me retireront et qui me nourriront dans mes vieux jours. Voilà pourquoi je n’ai pas besoin de penser à moi : mon père y a pensé. J’ai un petit bien. Je ne veux pas me marier. Sans cela, il faudrait bien que je gagne et que j’économise pour ma femme et mes enfants à mon tour. » Et quand les camarades et les jeunes filles, leurs sœurs, me disaient : « Pourquoi donc que tu ne veux pas te marier, Claude ? Il y en a bien dans le pays qui te prendraient pour ton bon cœur et pour tes deux bras encore ! » Alors, monsieur, je ne répondais rien, je devenais tout rouge ou tout pâle en pensant à Denise, et je m’en allais regarder couler la rivière ou courir les nuages sur les hautes montagnes.

Je revins rêveur au village, n’ayant pas osé, ce jour là, sonder plus avant dans le cœur du pauvre tailleur de pierres.