Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

m’assis sur un tas de paille qu’on avait laissé le soir, pour litière, entre la porte de l’étable des chèvres et l’escalier de la maison. Étendu là, monsieur, je ne saurais pas vous dire combien de pensées et de pensées me roulèrent dans la tête, pendant que le croissant de la lune passait d’une colline à l’autre sur mes yeux. Le lit de l’abîme, que j’entendais murmurer en bas sous la nuit des feuilles, ne roula pas plus de gouttes d’eau cette nuit là. C’était si triste et c’était si doux tout à la fois !

Quand je pensais que mon pauvre frère aveugle n’était plus là, que ma mère était peut-être sur son lit de mort, tout inconsolée de ne pas voir au moins un de ses deux enfants à son chevet, le cœur me fendait. Puis, quand je pensais que Denise était là-haut, toujours si charmante et si tendre, veillant auprès de ma mère ou dormant à côté des berceaux de ses deux petits, et qu’elle m’aimait encore d’assez d’amitié pour avoir appris mon nom de Claude à ses enfants et pour leur faire prier le bon Dieu pour moi sur son crucifix et sur quelque chose qui venait de moi, je me trouvais néanmoins le plus heureux