Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/59

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avaient roulé anciennement ces blocs détachés pour en faire l’enseigne de leur mort et le signe de leur immortalité ? C’était impossible à dire. Les petites écailles blanches et grises des lichens, les taches sombres de la pluie, les mousses vertes du printemps, les germinations accidentelles que les vents sèment avec les poussières de la terre et les plantes sur les grosses roches, tapissaient ces trois blocs de granit de toute espèce de végétations saxillaires et de velours fins et diversement coloriés. Des touffes de bruyères violettes pendaient, les fleurs renversées, des branches de la croix ; un lierre rampant et des ronces vigoureuses s’enlaçaient de toutes parts au tronc principal et formaient au sommet un couronnement de feuilles touffues, de rameaux entrelacés, de fleurs, de grappes et d’épines qui rappelaient la couronne symbolique du supplice sur le front du juste, du crucifié. Deux chevreaux blancs comme la neige, par cet instinct qui porte ces animaux aux escarpements, étaient couchés l’un en face de l’autre sur chacune des branches transversales de cette croix, leurs jambes de devant repliées sous le ventre, et leurs têtes barbues se dessinant comme une corniche antique sur le bleu du firmament.