Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/61

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corps. Une belle chèvre tachetée de blanc et de noir, la mamelle pleine et rebondie comme une outre de lait, était couchée aux pieds de Claude, dans une attitude de repos, de bien-être et de complète sécurité. Elle appuyait nonchalamment sa belle tête, plantée de deux longues cornes luisantes, sur le cou d’un troisième petit chevreau blanc sans cornes, couché entre ses jambes.

Les sabots de ces charmantes bêtes, polis par l’herbe, brillaient comme des cailloux noirs polis par l’eau d’un ruisseau. Les grands yeux de la mère, vagues, lointains et rêveurs comme les yeux de la gazelle et du chameau, semblaient penser. Ils se portaient tour à tour du maître à ses petits, du chien aux moutons, des roches à l’herbe, comme si elle eût rassemblé voluptueusement dans son regard tout ce tableau de paix dont elle faisait partie. Quelques lapins broutaient le serpolet de la pelouse à côté du chien, des chèvres et de l’homme, sans s’effrayer même de mes pas. On voyait que Claude avait appris à son chien à les regarder comme du troupeau. Sept ou huit pruniers et deux cerisiers, aux troncs maigres et courbés par les vents, croissaient à quelques pas de là, à l’abri d’une rangée de blocs