Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/64

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élevant son museau vers le ciel, comme font les chiens en détresse ou surpris par un objet inattendu, il jeta un long hurlement d’angoisse et d’effroi pour éveiller son maître. Claude se releva sur son séant, regarda vers moi, me reconnut et fit quelques pas pour m’aborder avec un visible embarras. Je m’avançai moi-même alors avec un visage souriant pour le rassurer, et, lui prenant la main : — Je vois ce que c’est, Claude, lui dis-je ; vous vous sentez en faute envers moi, et vous avez peur que je ne vienne vous reprocher d’avoir déserté mon chantier. Rassurez-vous, rasseyez-vous où vous étiez, là, au milieu de votre famille de chèvres, de moutons, de lézards, d’abeilles et de chien. Tout cela est de la même famille que nous, n’est-ce pas ? Je les comprends et je les aime comme vous. Puisque le bon Dieu ne s’est pas trouvé trop grand pour les faire, nous ne devons pas nous trouver trop grands pour les fréquenter. — Le chien se tut, la chèvre ne se leva pas de son creux dans l’herbe, les moutons continuèrent à bêler, la tête dans leurs jambes, les lézards à courir, les abeilles à bourdonner. Nous nous assîmes au soleil, l’un vis-à-vis de l’autre, lui sur son monticule, moi sur le mien, la tête dans la lumière du