Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/71

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et sur la perfection chrétienne vous seront restées au fond de l’âme pour se développer après en pratiques de charité ?

Lui. — Non, monsieur, je n’ai jamais étudié, ni chez un curé ni dans un séminaire. Mon père et ma mère étaient trop pauvres pour cela. D’ailleurs, quand j’étais en âge d’apprendre, il n’y avait pas même de curés dans les paroisses ni de cloches dans les clochers. Je n’ai appris de religion que les trois ou quatre prières que ma mère savait par cœur et qu’elle nous faisait redire après elle, quand on éteignait le feu chez nous. Je ne sais pas même lire et écrire, et je fais mes comptes avec des brins de paille ou de petits cailloux.

Moi. — Mais alors, comment votre esprit s’est-il donc formé tout seul ?

Lui. — Est-ce qu’on est seul, monsieur, quand on a le bon Dieu toujours présent au-dessus de soi ou devant soi ? Je ne me suis jamais senti seul de ma vie.

Moi. — Vous avez raison mais comment vous êtes-vous élevé de vous-même et accoutumé à cette