Page:Lamartine - Méditations poétiques (édition de 1820).djvu/85

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Telle est notre ame, après ces longs ébranlements ;
Secouant la raison jusqu’en ses fondements,
Le malheur n’en fait plus qu’une immense ruine,
Où comme un grand débris le désespoir domine !
De sentiments éteints silencieux chaos,
Éléments opposés, sans vie et sans repos,
Restes de passions par le temps effacées,
Combat désordonné de vœux et de pensées,
Souvenirs expirants, regrets, dégoûts, remords.
Si du moins ces débris nous attestaient sa mort !
Mais sous ce vaste deuil l’ame encore est vivante ;
Ce feu sans aliment soi-même s’alimente ;
Il renaît de sa cendre, et ce fatal flambeau
Craint de brûler encore au-delà du tombeau.
Ame ! qui donc es-tu ? flamme qui me dévore,
Dois-tu vivre après moi ? dois-tu souffrir encore ?
Hôte mystérieux, que vas-tu devenir ?
Au grand flambeau du jour vas-tu te réunir ?
Peut-être de ce feu tu n’es qu’une étincelle,
Qu’un rayon égaré, que cet astre rappelle.
Peut-être que, mourant lorsque l’homme est détruit,
Tu n’es qu’un suc plus pur que la terre a produit,
Une fange animée, une argile pensante…
Mais que vois-je ? à ce mot, tu frémis d’épouvante.
Redoutant le néant, et lasse de souffrir,
Hélas ! tu crains de vivre et trembles de mourir.
— Qui te révélera, redoutable mystère ?
J’écoute en vain la voix des sages de la terre :