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trouver le moyen de nous faire conduire chez le drayhy, qui était en guerre avec tous ceux du territoire de Damas. Partout nous fûmes accueillis à merveille.

Dans une tribu, ce fut une pauvre veuve qui nous offrit l’hospitalité. Pour nous régaler, elle tua son dernier mouton et emprunta du pain. Elle nous apprit que son mari et ses trois fils avaient été tués dans la guerre contre les Wahabis, tribu très-redoutée des environs de la Mecque. Lui ayant témoigné notre étonnement de ce qu’elle se dépouillait pour nous, « Celui qui entre chez un vivant, dit-elle, et n’y mange pas, c’est comme s’il visitait un mort. »

Une tribu déjà considérable avait été récemment formée de la manière suivante : un Bédouin avait une fille très-belle, que le chef de sa tribu lui demanda en mariage ; mais il ne voulut pas la lui accorder, et, pour la soustraire à ses poursuites, il partit furtivement avec toute sa famille. Le scheik s’informant de ce qu’il était devenu, quelqu’un lui répondit : « Serah (il est parti). — Serhan[1], » reprit-il (c’est un loup), voulant dire par là qu’il était sauvage. Depuis ce temps, la tribu dont ce Bédouin était devenu chef a toujours été appelée la tribu El-Serhaan[2]. Lorsque des Bédouins sont courageux et ont de bons chevaux, ils deviennent puissants en peu de temps.

Enfin, nous apprîmes l’arrivée du drayhy en Mésopotamie. À cette époque, Scheik-Ibrahim fut obligé d’aller à

  1. Jeu de mots difficile à rendre : serah signifie parti ; serhan signifie loup.
  2. La tribu du loup.