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LAIDE

plus fréquent, Martial, une boule de glaise d’une main, son ébauchoir de l’autre, secoue les boucles de ses longs cheveux et les renvoie de son front au sommet de sa tête. Ce mouvement de crinière est d’un lion auquel sa proie échappe.

Mais bientôt la tristesse succède à l’emportement. Martial débarrasse avec lenteur ses mains de la terre et de l’outil, presse l’éponge, arrose la terre pâlie, la ravive, regarde l’effet de l’eau sur des chairs qui s’animent gauchement, lève les épaules et murmure avec amertume :

« Est-ce assez laid ? »

Il marche à grands pas, va et revient, roule dix cigarettes qu’il ne fume point, puis, las, il tombe dans un fauteuil, le corps affaissé, la tête courbée sur la poitrine.

Être incapable d’arrêter les contours de ce qu’on entrevoit, de ce qu’au besoin on décrirait, de ce qu’on ferait faire, il semble, à d’autres mains qu’aux siennes, se sentir