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LAIDE

J’ai vu germer, pousser, grandir le surplus de moi-même ; je l’ai enrichi de ma richesse. Mais voilà que tout à coup je suis resté appauvri, tandis que mon fils me fuyait pour aller dépenser, gâcher, sans profit pour lui, ma fortune et la sienne ! N’est-il pas légitime que je déclare aujourd’hui son infortune méritée ?

— Mon père, si vous vous étiez plaint ? répliqua Guy, désolé. Je vous adorais, je vous adore…

— Tais-toi, s’écria Romain avec colère, et que se taisent avec toi, s’il se peut, les enfants égoïstes, avides de leurs uniques jouissances. Vous croyez tout rendre à qui vous a tout donné, parce que les meilleurs d’entre vous se sentent prêts, en cas de malheur, à quelque grand dévouement, à quelque acte solennel, public, de soi-disant amour filial. Mais, vous le savez bien, la paternité a rarement besoin de vos sacrifices ; ce qu’elle réclame c’est la douceur des soins constants ; ce n’est point le miracle, c’est la perpétuelle bienfaisance. Nous le savons tous un