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Page:Lambert - Rencontres et entretiens, 1918.djvu/129

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À PROPOS DE NOMS

par ici quelque part, et j’ai une commission pour lui, peux-tu me renseigner où il demeure ?

Le père Rogne, lui dis-je, je n’ai jamais connu celui-là.

Eh ! oui, reprit-il, tu sais bien le père Rogne qui demeurait dans le cinquième rang, on a été veiller là souvent : tu ne t’en souviens plus ?

Ah ! oui, attends un peu, tu veux dire le père Ryan, l’Irlandais Ryan, pourquoi aussi venir me parler de père Rogne.

C’est Rogne qu’on le nomme chez nous, tu le sais aussi bien que moi, pourquoi cet air surpris ! »

C’était pourtant vrai qu’on le nommait le père Rogne au village, là-bas, et plus j’y pense à présent, plus j’en éprouve un sentiment de malaise.

Pensez donc, si au lieu de venir aux États-Unis, le vieux père Ryan était demeuré sur sa terre au Canada, tous ses descendants auraient été connus sous le nom de Rogne ; sa famille se composait de neuf garçons et trois filles, c’est assez vous dire, que dans vingt-cinq ans, s’il y en aurait eu de petits Rogne au Canada.

J’ai raison de protester contre cette manie de défigurer les noms, n’est-ce pas qu’il y a déjà assez de canadiens rognes sans venir nous en baptiser de ce nom-là.