Page:Lambton - Rapport de Lord Durham.djvu/10

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secrétare d’état de Votre Majesté pour les colonies, j’entrai dans de menus détails sur les impressions qu’avait produites sur mon esprit l’état de choses qui existait dans le Bas-Canada : je reconnais que l’expérience que j’ai acquise par ma résidence, a complètement changé mes idées sur l’influence relative des causes qui avaient été assignées aux maux existants. Je n’en suis pas venu, il est vrai, à croire que les institutions du Bas-Canada étaient moins défectueuses que je ne les avais supposées d’abord. Par suite des circonstances particulières dans lesquelles j’étais placé, j’ai pu faire des observations assez parfaites pour me convaincre qu’il avait existé dans la constitution de la province, dans la balance des pouvoirs politiques, dans l’esprit et la pratique de l’administration dans chaque département du gouvernement, des défauts qui étaient tout-à-fait suffisants pour expliquer en grande partie la mal-administration et le mécontentement. La même observation m’a aussi convaincu qu’il existait une cause beaucoup plus profonde et plus effective des dissensions particulières et désastreuses de cette province — une cause qui pénétrait au-dessous de ses institutions politiques dans son état social — une cause que ne pourrait enlever aucune réforme de constitution ou des lois qui laisseraient les éléments de la société dans le même état, mais qui doit être ôtée avant d’attendre du succès d’aucune tentative pour remédier aux maux de cette malheureuse province. Je m’attendais à trouver une contestation entre un gouvernement et un peuple : je trouvai deux nations se faisant la guerre au sein d’un seul état ; je trouva une lutte non de principes, mais de races ; et je m’aperçus que ce serait en vain qu’on essaierait aucune amélioration dans les lois ou les institutions, avant d’avoir réussi à terminer la haine mortelle qui divise maintenant les habitants du Bas-Canada en divisions hostiles de Français et d’Anglais.

Je me flatterais vainement de pouvoir par aucune description que j’en ferais, de donner à Votre Majesté une idée de l’animosité de ces races telle que mon expérience personnelle me l’a présentée. L’heureuse absence de tous sentiments d’hostilité nationale parmi nous, rend difficile pour nous de comprendre l’intensité de la haine que la différence de langage, de lois et d’usages, crée entre ceux qui habitent le même village, et sont citoyens du même état. Nous somme prêts à croire que le vrai motif de la querelle est quelque autre chose ; et que la différence de race a légèrement et occasionnellement aggravé les dissensions, que nous attribuons à quelque cause plus ordinaire. L’expérience d’un état de société,