Page:Lambton - Rapport de Lord Durham.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est suivant nos idées peu nombreuse. La compétition entre les origines dans cette classe ne s’est manifestée que bien récemment, et encore cela ne se borne-t-il qu’aux cités. La plus grande partie de la classe ouvrière est d’origine française et est dans l’emploi des capitalistes anglais. La classe la plus expérimentée des artisans se compose généralement d’Anglais. Mais dans le cours des occupations plus matérielles, les Canadiens défendent bien le terrain contre la rivalité anglaise. L’émigration qui a eu lieu, il y a quelques années, a introduit dans le pays, une classe qui est entrée en une compétition plus directe avec les Canadiens Français par rapport à quelques-unes de leurs occupations dans les villes, mais les individus qui ont souffert de cette compétition sont peu nombreux. Je ne crois pas que les animosités qui existent entre les classes ouvrières des deux origines soient une conséquence nécessaire de l’opposition d’intérêt, ou de la jalousie qu’excitent les succès de la main d’œuvre britannique. Les préjugés nationaux exercent naturellement la plus grande influence sur la classe la plus illettrée ; la différence du langage est un obstacle plus difficilement surmonté ; les différences des usages et manières sont moins bien appréciés. Les ouvriers que l’émigration a introduits dans le pays comptaient parmi eux nombre de personnes ignorantes, turbulentes et démoralisées, dont la conduite et les manières révoltaient vraisemblablement les natifs mieux disciplinés et plus policés, de la même classe. La classe ouvrière se range d’ordinaire du côté de celle de ses compatriotes les mieux instruits et les plus riches. Une fois engagés dans la lutte, les passions de ces hommes étaient moins restreintes par l’éducation et la prudence ; et maintenant les hostilités nationales existent avec une fureur inouïe parmi ceux que des intérêts réels semblaient devoir le moins mettre en collision.

Les deux races ainsi distinctes ont été placées dans une même société sous des circonstances qui devaient nécessairement produire dans leurs rapports, une collision. D’abord la différence du langage les tenait séparée. Ce n’est nulle part une vertu du peuple anglais de supporter avec tolérance des manières, des usages ou des lois qui lui sont étrangères ; accoutumé à former une haute opinion de sa propre supériorité, il ne s’occupe point de cacher aux autres son mépris et son aversion pour leurs usages. Les Anglais ont trouvé dans les Canadiens Français une somme égale d’orgueil national : orgueil susceptible mais inactif qui dispose ce peuple moins à ressentir une insulte qu’à se tenir éloigné de ceux qui voudraient les tenir dans l’abaissement. Les Français ne pouvaient s’empêcher d’apercevoir la supériorité de l’esprit d’entreprise