Page:Lambton - Rapport de Lord Durham.djvu/28

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Les hostilités qui règnent ainsi dans toute la société s’envenimaient depuis quelque temps avant d’avoir pris l’aspect imposant qu’elles ont pris dans la politique du pays. De pareils sentiments dans la société devaient nécessairement produire une lutte à mort dans la politique. Les Français voyaient avec jalousie l’influence politique d’une classe étrangère qui s’accroissait tous les jours, pour laquelle ils n’avaient que de l’aversion et qu’ils redoutaient ; les Anglais fortunés étaient irrités que leurs propriété leur donnaient point de l’influence sur les Français qui étaient dans leur dépendance, et qui suivaient la bannière des meneurs de leur origine ; et les fermiers et les commerçants d’origine britannique ne tardèrent pas à se fatiguer d’être frappés d’une nullité complète au milieu d’une population en majorité, dont ils méprisaient l’ignorance et dont les vues et la conduite politiques étaient si différentes de leurs notions sur la théorie et la pratique d’un Gouvernement populaire. On ne peut pour un moment hésiter à accorder aux Anglais une supériorité de connaissances politiques et pratiques. La grande masse de la population canadienne, incapable de lire et d’écrire, et qui n’a pu acquérir dans le peu d’institutions que le pays possède même les élémens d’une éducation politique, était décidemment inférieure aux émigrés anglais, dont la plus grande partie avait reçu une assez bonne éducation, et qui avaient été accoutumés dans leur pays à prendre une part active dans les affaires publiques d’une nature ou d’une autre. Quant aux classes éclairées, la supériorité n’est pas si générale ni si apparente ; en vérité, d’après les informations que j’ai pu recueillir, je suis porté à croire que la plus grande portion de raffinement, d’idées spéculatives, et de connaissances qui s’acquièrent dans les livres, doit se trouver, à quelques exceptions ballantes près, du côté des Français. Mais je n’hésite pas à déclarer, même avec beaucoup d’assurance, que les circonstances dans lesquelles se sont trouvés placés les Anglais dans le Bas-Canada, usant de l’éducation politique qu’ils avaient déjà reçue, ont fait acquérir à leurs chefs une sagacité pratique, un tact et une énergie dans les affaires politiques qui, je dois l’avouer, eu égard, suivant moi, au vice des institutions locales, manquaient d’une manière déplorable aux partisans français. Il était impossible qu’une race qui se sentait supérieure par l’activité et les connaissances politiques, supportât avec patience la domination d’une majorité qu’elle ne pouvait respecter. Quand et par quelle cause particulière les hostilités entre cette majorité et cette minorité, qui devaient nécessairement entrer en collision, ont-elles pris un caractère de première importance, cela est difficile à dire. Les hostilités existantes entre l’as-