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près, et que même les plus innocents d’entre eux seraient convaincus. C’est un fait déplorable, qu’on ne doit pas taire, que le peuple de ce pays n’a pas la moindre confiance dans l’administration de la justice criminelle ; et les plaintes et les motifs de plaintes à cet égard ne se bornent pas à un seul parti.

Les Français se plaignent, que l’on a fréquemment abusé à leur détriment de l’institution du grand et du petit Jury. Ils disent que lorsqu’il était de l’intérêt du Gouvernement de protéger des personnes coupables de hautes offenses contre le parti Français, l’on a atteint ce but en faisant une composition partiale du Grand-Jury. Il a long-temps régné une grande exaspération parmi le parti Français à l’occasion d’une émeute qui eut lieu à l’élection du Quartier-Ouest de Montréal en Mai 1832, à propos de laquelle les troupes furent appelées, tirèrent sur le peuple, et tuèrent trois personnes. Un indictment fut préparé contre les Magistrats et les officiers qui donnèrent l’ordre de tirer sur le peuple. Les Français se plaignirent que le Grand-Jury était presque composé en entier d’Anglais, dont douze sur vingt-trois étaient de la paroisse de Lachine, la plus petite de l’île, choix qui ne pouvait guère, suivant eux, être attribué au hasard, et de plus que plusieurs des Grands-Jurés manquaient des qualifications requises et ordinaires. L’autre parti, il faut le dire, prétendit que ce choix apparent d’une majorité des Grands-Jurés d’une seule paroisse, était le résultat d’une disposition mal conçue du Bill de M. Viger. L’indictment fut rejeté, et toute investigation judiciaire ultérieure sur cette affaire par conséquent mise de côté. Je parle seulement ici des plaintes des divers partis. J’ignore si les allégués ci-dessus étaient bien fondés, mais on ne peut pas douter que ces procédés produisirent une telle impression sur le parti Français, qu’elle dût nécessairement leur ôter toute confiance dans l’administration de la justice.

Les Français se plaignaient en outre que l’acquittement par le Grand-Jury ne servait de rien à ceux qui avaient éprouvé le déplaisir du Gouvernement.

Il y a dans l’histoire récente du Bas-Canada plusieurs occasions, où le Procureur Général, n’étant pas satisfait de la conduite des Grands-Jurys qui avaient rejeté un indictment a renouvelé les accusations pour la même offense itérativement, jusqu’à ce qu’il eût un Grand-Jury qui voulût les maintenir, ou bien encore a procédé par voie d’informations ex officio.

Les plaintes du parti Anglais ne sont pas moins sérieuses. Ils disent, d’après des motifs malheureusement trop incontestables, que les Canadiens ont invariablement fait usage du Grand et du