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de prendre sur ces matières des renseignements aussi étendus et aussi particuliers que j’aurais désiré le faire sous d’autres circonstances. Mais le rapport de Sir John Doratt m’a mis au fait de certains points sur lesquels je crois très important d’appeler sans délai l’attention du gouvernement de Sa Majesté. Je fais mention du manque d’asile pour recevoir les personnes insensées dans le Haut et le Bas-Canada ; du mauvais état des prisons en général, et particulièrement de celui de la prison de Québec ; des défectuosités du système de quarantaine à la Grosse Isle ; de l’état rabaissé et d’ignorance de la profession médicale dans les campagnes ; et de la nécessité de changer la manière de pourvoir au soutien des insensés, des pauvres invalides, et des enfants-trouvés, qui est actuellement de voter des sommes d’argents aux couvents pour cette fin. Il est évident que de grands abus existent dans la régie de plusieurs institutions philanthropiques. J’ai parlé, dans une autre partie de mon rapport, de la question des pauvres, en autant qu’elle a rapport à l’émigration ; et les témoignages que j’ai alors rapportés sont confirmés, sous plusieurs rapports, par les renseignements fournis par Sir John Doratt.

C’est un fait dont on doit se réjouir, que les différences de religion n’aient presque rien ajouté aux dissensions du Bas-Canada ; et qu’il ait existé dans la colonie, depuis la conquête jusqu’à ce jour, un degré de tolérance pratique, connue à bien peu de sociétés.

Les Canadiens Français sont tous catholiques, et leur Église a toujours joui des fondations qu’elle possédait à la conquête. Les prêtres jouissent du droit de dîme ; mais ce droit est limité aux terres possédées par des catholiques ; du moment qu’un héritage d’une manière ou d’une autre passe en des mains protestantes, le prêtre perd sa dîme. Cette disposition, contraire au véritable esprit des fondations nationales pour œuvres pies, a l’effet naturel de rendre le clergé peu favorable à l’établissement des protestants dans les Seigneuries. Mais le clergé catholique de cette province a su se concilier, à un degré remarquable, l’estime de toutes les croyances ; et je ne connais point au monde de clergé, dont la pratique des vertus chrétiennes, et l’observation scrupuleuse des devoirs de son état, soient plus universellement reconnues, et aient produit plus de bien. Jouissant d’un revenu suffisant, et même considérable, eu égard à l’état et aux idées du pays, et ayant les avantages d’une bonne éducation, il a vécu sur un pied d’égalité et de bienveillance avec les plus humbles et les plus illettrés de ses paroissiens. Connaissant les besoins et le caractère de ceux qui l’environnent, il a été le dispensateur des charités, et le gardien des mœurs du peuple ; en l’absence d’institutions civiles permanentes, l’Église catholique a seule conservé l’apparence de stabilité et d’organisation, et procuré les seuls appuis à la civilisation et à l’ordre. Je dois ce témoignage de mon estime au clergé catholique du Bas-Canada, non seulement parce qu’il le mérite, mais parce que moi qui ai administré la Province dans des temps de troubles, je lui dois en toute reconnaissance de faire mention de ses services éminents en s’opposant aux menées et aux manœuvres des mécontents.