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BOREL

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la lycanthropie de l’auteur, précéda un volume de prose : Cliampavert , contes immoraux (1833, in— 8), série de nouvelles où la violence, la bizarrerie et une sorte de bouffonnerie macabre qu’on retrouve dans d’autres pages de Petrus Borel, tiennent assurément plus de place que l’immoralité proprement dite. Les mêmes étrangetés se retrouvent, plus accentuées encore, dans un roman intitulé : Madame Putiphar(S’id, t i vol. in-8),dont le prologue en vers est aujourd’hui un morceau d’anthologie. Mal accueilli de la critique et venu à l’heure où le courant romantique commençait à tarir, ce livre fut le dernier que Borel mit au jour ; il en avait projeté ou commencé bien d’autres. Il a publié un pamphlet intitulé l’Obélisque de Louqsor (1833, in-8), extrait du Livre des Cent-et-un, des nouvelles, des récits de voyage, des fantaisies et jusqu’à un remarquable pastiche de Montaigne, intitulé Du Jugement public (l’Artiste, 9 janv. 1848) ; écrit une préface pour une réimp. d’une facétie célèbre : Comme quoi Napoléon n’a jamais existé (1836, in-18) ; fourni aux Français peints par eux-mêmes les types du Gniaffe et du Croquemort, donné une traduction de Robinson Crusoe (1836, 2 vol. in-8) et fondé deux journaux éphémères : la Revue pittoresque et l’Ane d’or. Ses travaux multiples, et dont il avait peine souvent à trouver le placement, ne le tiraient point de la misère qui le poursuivit toute sa vie. Aussi accepta-t-il en 1846 un poste d’inspecteur delà colonisation à Mostaganem, qu’il obtint par l’intervention de Th. Gautier et de M’ ue de Girardin. Si humble que fût ce titre, le National en prit texte pour railler l’ancien « bousingot », acceptant les faveurs du pouvoir, et il s’ensuivit une polémique qui faillit se terminer par un duel avec Armand Marrast. Destitué en 1848, puis replacé avec le même titre à Constantine, Borel fut révoqué sous l’Empire pour avoir, dit-on, dénoncé certaines malversations sur lesquelles on préférait fermer les yeux. Il se retira avec sa femme et son fils (car il s’était tardivement marié), dans la concession qu’il avait reçue près de Mostaganem et qu’il avait appelée Haute-Pensée ; c’est là qu’il se laissa mourir de faim, selon les uns, ou, selon les autres, qu’il fut frappé d’une insolation. Sa fin passa entièrement inaperçue, mais aujourd’hui son nom, qu’évoquaient seuls quelques camarades survivants et quelques lettrés, a conquis une véritable célébrité posthume : la réimpression des Rhapsodies (1872), qui avait obtenu un certain succès, a provoqué celles de Cliampavert (1872) et de Madame Putiphar (1877-78). La distinction native et la mâle beauté de Petrus Borel ont plusieurs fois sollicité l’ébauchoir ou le pinceau de ses compagnons de luttes, ainsi que l’attestent son médaillon modelé par Jehan Du Seigneur, le portrait exposé par Napoléon Thomas au Salon de 1833 dans un cadre tricolore, et celui de Louis Boulanger (1839). gravé pour l’Artiste par Célestin Nanteuil. Maurice Tourneux. Bibl. : Jules Claretie, Petrus Borel, le Lycanlhrope, 1865, in-16. — Ch. Asselineau, Bibliographie romantique, 1872, in-8, 2 e éd. — Ch. Baudelaire, l’Art romantique, t. III des Œuvres complètes. — Th. Gautier, Histoire du romantisme, 1874, in-18. — Champfleury, les Vignettes romantiques, 1882, in-4.

BOREL (Jean-Louis), général français, né à Fanjeaux (Aude) le 3 avr. 1819. Après avoir passé par l’Ecole militaire de Saint-Cyr, il entra dans l’armée comme souslieutenant d’état-major (1 er oct. 1840), fit plusieurs campagnes en Afrique et servit en Crimée et en Italie (1855-1859) comme aide de camp de Mac-Mahon. Promu au grade de colonel le 12 août 1864, il passa quelques années après dans la garde nationale de Paris en qualité de chef d’état-major. Il rendit, au même titre, d’importants services dans les armées de la Loire, de l’Est et de Versailles (1870-1871). Nommé général de brigade le 13 sept. 1870, il fut élevé le 16 sept 1871 au rang de général de division. Il fit ensuite partie de la Commission de réorganisation de l’armée, devint chef d’état-major du ministre de la guerre (1873-1874), puis du gouverneur de Paris, et fut enfin, vu la confiance qu’il inspirait au parti républicain, appelé lui-même au ministère de la guerre dans le cabinet Dufaure (14 déc. 1877). Mais son attitude et son langage ne tardèrent pas à le mettre en désaccord avec ses collègues, aussi bien qu’avec la majorité de la Chambre des députés. Les élections républicaines de janv. 1879 amenèrent sa retraite (13 janv.). Il reçut peu après le commandement du 3" corps d’armée, et lut nommé grand-officier de la Légion d’honneur (12 juil. 1879). A. Debidour.

BOREL (Eugène), homme politique suisse, né le 17 juin 1833 à Neuchàtel. Il occupa de bonne heure, après de fortes études juridiques faites à Munich et à Heidelberg (1854-1836), une place distinguée au barreau de sa ville natale. Les luttes acharnées entre royalistes et républicains qui atteignirent leur point culminant avec le malencontreux essai d’insurrection tenté le 3 sept . 1856 par le comte de Pourtalès-Steiger, lui ouvrirent l’accès des fonctions publiques. Tour à tour auditeur cantonal, journaliste, secrétaire et président de la municipalité nouvellement créée, député de la Chaux-de-Fonds et rédacteur des procès-verbaux de l’Assemblée constituante de 1857, il contribua dans une large mesure à rompre les derniers liens de Neuchàtel avec la Prusse et à doter son pays d’un régime lranchement démocratique. La remarquable capacité de travail déployée dans ses différentes fonctions par M. Borel, son éloquence forte et précise, la sûreté de son jugement le firent élire en 1865 au Conseil d’Etat qu’il présida à plusieurs reprises. Par ses soins fut élaborée et votée une série de projets de loi concernant l’administration judiciaire, l’affectation aux services publics des anciens fonds des bourgeoisies, l’organisation judiciaire, le notariat, le code de procédure civile. Les affaires fédérales permirent à M. Borel de déployer ses talents sur un plus vaste théâtre. S’il y débuta par le poste modeste de traducteur, le pouvoir exécutif le choisit pour son délégué lors du règlement de plusieurs conflits intercantonaux et internationaux (contestation de frontière entre Berne et le Valais, difficultés douanières avec la France après l’annexion de la Savoie). Le tribunal fédéral, en le nommant en 1865 juge d’instruction pour la Suisse romande, en l’invitant en 1870 à siéger dans son sein et en l’appelant en 1872 à sa présidence, voulut reconnaître ses nombreux services juridiques et en particulier son excellente traduction du Manuel du D r Ullmer sur le droit politique suisse (1864-1867). L’activité de M. Borel dans la sphère politique proprement dite ne fut ni moins étendue ni moins féconde. Chargé à partir de 1865 de représenter Neuchàtel au conseil des Etats, il travailla vigoureusement à une revision constitutionnelle dans le sens unitaire et la prépara par une série de mesures sur le droit d’établissement, l’instruction primaire obligatoire et gratuite, ainsi que par un rapport en faveur de l’unité de législation dans la sphère militaire. En déc. 1872, les portes du conseil fédéral s’ouvrirent devant le jeune et habile homme d’Etat. Le département des postes et télégraphes qu’il administra de 1872 à 1875, lui fut redevable de plusieurs réformes, entre autres d’un fructueux abaissement des taxes. Le premier congrès international des postes qui, le 15 sept. 1874, se réunit à Berne sous sa présidence, décréta la création d’un office central de l’Union postale. M. Borel avait si fort à cœur la réussite de l’œuvre, qu’il n’hésita pas à quitter le Conseil fédéral pour en prendre la direction ; les mesures successives adoptées par l’union aux Congrès de Berne, Paris et Lisbonne (1875, 1878, 1885), ont été exposées par lui dans la Bibliothèque universelle. M. Borel a été pendant plusieurs années, et jusqu’au printemps de 1887, correspondant du journal parisien le Temps. Ernest Strœhlin.

BOREL de Brétizel (Durand), homme politique français, né à Beauvais le 23 juil. 1764, mort à Paris le 1 er mai 1839. Lieutenant-général du bailliage de Beau-