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CORDONNERIE — CORDONNIER

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tranches des semelles, dites lisses, à les noircir et, à les polir. Ces opérations s’exécutent à l’aide de machines dites fraiseuses.

CORDONNET. 1° Cordelette en chanvre, enveloppée d’un boyau de coton ou de soie et qui sert comme cordon de store, de sonnette, etc. C’est au moyen d’une petite machine dite métier cordonnet qu’on enveloppe cette cordelette d’un tissu protecteur. On la fixe au centre du métier ; autour d’elle, des poupées en nombre variable portent et fournissent le fil qui doit former le tissu ; grâce à un poids placé à leur intérieur, ce fil est toujours tenu à un degré de tension convenable. Le mécanisme de la machine entraine et renvoie ces poupées sans interruption, moitié dans un sens, moitié dans l’autre ; de leur mouvement résulte le croisement des fils en divers points situés sur la mèche de chanvre, et par suite la formation successive de mailles qui constituent le tissu. Au fur et à mesure que ce tissu est fabriqué, il s’enroule, ainsi que la mèche qu’il entoure, sur des bobines dont le mouvement de rotation est plus ou moins accéléré, suivant qu’on veut les fils plus ou moins serrés. — 2° Ganse de soie. — 3° Fil de chanvre avec lequel on fait la ficelle pour fouet. CORDONNIER. L’origine la plus probable de ce mot est la suivante : la préparation du maroquin, dont Babyione garda le secret pendant toute l’antiquité, avait été transportée en Espagne par les Arabes. Dès le temps de Charlemagne, Cordoue approvisionnait toutes les contrées occidentales de ce cuir, qui servait à faire les chaussures de luxe. A cause de sa provenance, on l’appelait cordouan, et ceux qui le travaillaient furent les cordouaniers, plus tard cordonniers. Ceux-ci furent longtemps en minorité parmi les ouvriers en chaussure, dont le nom français était sueurs (latin sucre, coudre). Mais plusieurs villes du Midi, Toulouse et Montpellier en tète, étant parvenues à fabriquer du cordouan presque aussi beau que celui d’Espagne, la consommation augmenta en France au point qu’il n’y eut plus de sueur qui ne fit des souliers de cette sorte, et c’est pourquoi le nom de cordonnier s’est substitué à celui de sueur (italien cordovanierc) : celui, celle qui fait ou qui vend des chaussures où l’on emploie le cuir. L’industrie de la cordonnerie a été pratiquée, dès la plus haute antiquité, chez les peuples civilisés, par des ouvriers formant un corps d’état spécial, et chez les Egyptiens, les Grecs et les Romains, on trouve la trace de ces corporations, comme de celle des tailleurs et de tous les métiers ayant trait au vêtement. Au moyen âge, quatre métiers se partageaient la fabrication et la vente de la chaussure : les sueurs, les cordouaniers, les savetonniers et les savetiers. Sueurs et cordonniers, qui eurent longtemps une existence distincte, fabriquaient des chaussures de première qualité ; les savetonniers, qui ne fabriquaient que la basane, ne faisaient que des souliers de second ordre. Ces divers métiers (sauf les savetiers) s’achetaient au chambellan et au chambrier du roi ; on payait les impôts ordinaires ; on pouvait s’exonérer du guet en payant une somme d’argent, et l’on devait s’abstenir du travail de nuit, excepté pour soi-même et pour les princes. Les cordouaniers étaient astreints à une redevance spéciale, connue sous le nom de « henses » ou bottines du roi, et payable la veille de Pâques ; ils l’acquittèrent en nature d’abord, puis en argent. Une surveillance rigoureuse s’exerçait sur la fabrication et la vente, en vue de prévenir l’emploi de la mauvaise marchandise, ou le mélange de qualités différentes. Le nombre des apprentis et des valets était illimité. En 1750, on comptait à Paris environ deux mille cinq cents maîtres, employant chacun en moyenne de trois à douze compagnons. Les savetiers occupaient, comme aujourd’hui, le dernier rang dans l’industrie de la chaussure à Paris ; ils achetaient leur métier des écuyers du roi, qui les faisaient surveiller par un agent ; les mauvaises coutures et mauvaises réparations donnaient lieu à une amende. Saint Crépin et saint Crépinien étaient les patrons de la corporation.

Aujourd’hui, par suite de la substitution des machines au travail à la main, on trouve moins qu’autrefois de cordonniers artistes, aimant leur métier à fond, et y apportant les améliorations que leur suggérait leur expérience et leur ingéniosité naturelle. 11 en est encore quelques-uns, cependant, qui joignent à l’élégance de la coupe, à la solidité de la couture, à la connaissance parfaite des cuirs et des peaux, certaines notions anatomiques sur la structure du pied et de la jambe de l’homme, et qui sont en état par exemple de faire en plâtre le modèle d’un pied contrefait, afin d’en atténuer les difformités et les infirmités au moyen d’une chaussure composée en conséquence. Il en est qui sont observateurs et qui savent noter les points sur lesquels s’exerce le plus souvent la pression du corps. Si on leur présente une bottine dont le talon soit plus usé en dehors qu’en dedans, ils en concluent que la ligne perpendiculaire qui part du centre de gravité de celui qui a usé la chaussure ne passe pas par le milieu de son talon, mais qu’elle tombe sur un point plus ou moins rapproché du bord extérieur de la plante du pied ; en conséquence, ils détournent en dehors le talon de la nouvelle chaussure, et tâtonnent jusqu’à ce qu’ils aient trouvé, pour le talon, le degré d’inclinaison voulue.

Le proverbe : Ne sutor ultra crepidam (Cordonnier, ne regarde pas plus haut que ta chaussure), est une allusion à un mot du peintre Apelle : un cordonnier, après avoir fait une observation juste sur la chaussure d’un personnage qui figurait dans un tableau du peintre, voulut étendre ses critiques au reste du corps. Apelle le rappela à la modestie. Est-ce pour faire mentir le proverbe que les cordonniers ont donné, à maintes reprises, dans l’histoire, l’exemple d’intelligences d’élite , sachant s’élever au-dessus de leur profession, et s’illustrant dans les lettres, les sciences, la politique et la religion. Saint Roch fut savetier, si l’on en croit Henri Estienne ; Fox, fondateur de la secte des quakers, était ouvrier cordonnier ; Hans Sachs, poète allemand, très original et fécond, du xvi e siècle, fut mis par ses parents, qui étaient sans fortune, en apprentissage chez un cordonnier. Il voyagea comme les compagnons ouvriers qui aspiraient à avoir une maitrise, et il fut en effet reçu maître en 1519. Lestrange (Nicolas), cordonnier de Louis XIV, fut célèbre en son temps. En 1063. il o ffrit au roi une pair e de bottes sans couture, ou qui, du moins , avaient l’apparence d’être telles. En vain des experts, appelés à juger ce chef-d’œuvre, les retournèrent dans tous sens et s’écarquillèrent les yeux ; impossible d’y découvrir la trace de l’alêne ni le moindre bout de fil. Louis XIV, flatté d’un présent si rare, défendit à son cordonnier de faire des bottes pareilles pour aucun de ses sujets. L’Histoire des cordonniers de MM. Lacroix e J Duchesne contient des renseignements curieux sur ce Lestrange. Il exerçait sa profession à Bordeaux, quand l’idée lui vint, en 1661, d’exécuter une magnifique paire de souliers pour le roi, sans être connu de lui et sans avoir pris sa mesure. Les souliers allaient si bien, ils furent trouvés si beaux, que le monarque les jugea dignes de figurer dans son costume de noces. Dès lors, Lestrange fut attaché à la cour. Il vint à Paris ; il chaussa le roi et les princes ; il fut gratifié d’armoiries parlantes : d’azur à la botte d’or couronnée de même, avec une fleur, de lis de chaque côté ; son portrait eut sa place dans une galerie des hommes célèbres composée par Louis XIV. Mais c’est le sort des grands artistes de ne pouvoir échapper à l’envie. Lestrange, maltraité par ses confrères, prit le parti de retourner à Bordeaux. Il fit imprimer, en 1677, un recueil de vers qui avaient été composés à sa louange. Le beau temps de sa gloire est celui de ces chaussures qui faisaient ressembler ies hommes à des oiseaux pattus, lorsque le soulier était décoré de rubans sur les côtés de l’empeigne, et surmonté d’une rosette d’où s’échappaient deux et quelquefois quatre longues ailes de dentelles montées sur du fil de fer. CORDONNIER (Alphonse-Amédée), sculpteur français, né à Madeleine-lez-Lille (Nord) en 1848. Elève de Dumont et Thomas, il exposa en 1874, obtint avec Médée et ses enfants une médaille de 2 e classe (1876), le grand prix