Page:Lamirault - La Grande encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, tome 19.djvu/623

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

- 607 -

GUIZOT

opuscules sa mauvaise humeur contre les pouvoirs issus de la révolution de 1848 (CromweU sera-t-il roi ? 1852, br. in-8 ; Nos Mécomptes et nos Espérances ; 4 800, br. in-8, etc.), il se tourua de plus en plus vers les études historiques, morales et religieuses, auxquelles il finit par se livrer presque tout entier. Dès 1850, il avait publié son important Discours sur la révolution a" Angleterre et, peu d’années après, il mettait au jour, coup sur coup (4864), trois nouveaux ouvrages : Histoire delà république d’Angleterre et du protectorat d’Olivier CromweU (2 vol. in-8) ; Histoire du protectorat de Richard CromweU et du rétablissement des Stuarts (2 vol. in-8) ; Monk ou la Chute de la République (in-8). Un peu plus tard, il consacrait une substantielle étude à sir Robert Peel, qui avait été son ami (-1856, in-8). Passionné d’autre part pour sa religion, qu’il servait de la parole aussi bien que de la plume, dans les consistoires et dans les synodes, avec la raideur et l’intolérance conservatrice dece qu’il croyaitètre l’orthodoxie, il consacrait aussi une bonne part de ses loisirs à des travaux de théologie et de morale. De là les ouvrages suivants, dont aucun ne passa inaperçu : Méditations et études morales (1854, in-8) ; l’Amour dans le mariage (1835, in-10) ; l’Eglise et la Société chrétienne en 1861 (1861, in-8) ; Méditations sur l’essence de la religion chrétienne (1864, in-8) ; Méditations sur l’état actuel de la religion chrétienne (1865, in-8) ; Méditations sur la religion chrétienne dans ses rapports avec l’état actuel des sociétés et des esprits (1868, in-8), etc. Guizot participait en outre assidûment aux travaux de l’Institut, ou il exerçait et exerça jusqu’à sa mort une influence considérable comme membre de l’Académie des sciences morales et politiques, de l’Académie des inscriptions et belleslettres et de l’Académie française, auxquelles il appartenait depuis 1832, 1833 et 1836. Ses Discours académiques (in-8) et ses Mélanges biographiques et littéraires (1868, in-8) en font foi. Il trouvait de plus le temps d’écrire ces Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, dont les 9 vol. in-8, publiés en moins de dix ans (4858-4868), sont une des sources les plus précieuses de l’histoire politique de la France au xix e siècle. Citons encore l’étude intitulée ’Irais Générations, qui peut servir d’introduction à ces mémoires ; l’Histoire parlementaire de la France, ou Recueil complet de ses discours dans la Chambre de 1819 à 1848 (1863, 4 vol. in-8) et 1 vol. de Mélanges politiques et historiques mis au jour en 1869, et nous n’aurons pas, malgré tout, achevé denumérer ses ouvrages. Bien que retiré des atfaires, Guizot ne se désintéressait pas des destinées de la France. Il eut sous le second Finpire une influence indirecte, mais très réelle, sur le monde de l’opposition. Il ne se bornait pas toujours à l’exercer dans les salons ou dans les conciliabules de l’Institut. On l’entendit non sans quelque surprise en 1861, dans une assemblée protestante, non seulement s’élever avec énergie contre l’intervention française en Italie, mais se déclarer partisan du pouvoir temporel du pape. En 1868, il jugeait encore avec sévérité la politique impériale , comme le prouve sa brochure sur la France et la Prusse responsables devant l’Europe. Cependant, vers la tin, il applaudit à l’Fmpire libéral, accepta du ministère Ollivier la présidence d’une commission extra-parlementaire chargée d’étudier les questions relatives à la liberté de l’enseignement supérieur et donna hautement à ses amis le conseil de voter oui lors du plébiscite du 8 mai 1870. Guizot n’était pas plus clairvoyant à cette époque qu’en 1848. Car on sait ce que devint l’Fmpire au 4 sept., moins de quatre mois après ledit plébiscite.

Pendant la guerre franco-allemande, il adressa au Times plusieurs lettres sur la situation. Il blâmait le gouvernement de la Défense nationale de n’avoir pas convoqué sans retard les représentants du pays. Il exhortait l’Angleterre à ne pas souffrir le démembrement de la France. Ses conseils ne furent pas écoutés. Il en donna aussi fréquemment, après la guerre, à ses amis de l’Assemblée nationale de Versailles. Il avait à cœur de prouver qu’il éfait resté jusqu’au bout autoritaire, monarchiste et adversaire de la démocratie. Mais il était trop vieux et, politiquement, trop oublié pour pouvoir exercer encore une action sérieuse sur les générations nouvelles. L’attention publique se fût détournée de lui, s’il ne l’eût retenue par de nouveaux écrits qui l’occupèrent jusqu’à sa mort. Si son Etude sur le duc de Droglie(iti~r2, in-12) etses Vies des quatre grands chrétiens français (dont il n’a paru qu’un volume publié en 1873 et renfermant les biographies de saint Louis et de Calvin) n’étaient guère pour lui que des passe-temps, on n’en peut dire autant decette Histoire de France racontée à mes petits-enfants, entreprise à quatre-vingt-trois ans, qui ne sera pas devant la postérité un de ses moindres titres de gloire. Il lui fut permis d’en écrire la plus grande partie, c.-à-d. les quatre premiers volumes. Guizot qui, à quatre-vingt-six ans passés, prenait encore une part active aux travaux de l’Académie française, fit décider que le discours de réception de M. Emile Ollivier, qui qualifiait de coup d’Etat parlementaire l’adresse des 221 et qui contenait un éloge aussi outré qu’intempestif de Napoléon III, ne serait pas lu en séance publique (26 févr. 1874). Les journaux bonapartistes rappelèrent alors qu’il s’était rallié à l’Empire en 1870 et révélèrent ce l’ait ignoré de lui-même qu’une somme de 50,000 fr. avait été fournie, en 1855, à titre de service personnel, par l’empereur, à M. Guillaume Guizot, son fils. Profondément mortifié, l’ancien ministre fit offrir le remboursement de la somme en question grossie de ses intérêts, à l’ex-impératnce Eugénie, qui la refusa. Il s’adressa aux tribunaux pour obliger ses ayants droit à l’accepter. Mais il ne vit pas la fin de cette instance. Ce pénible incident hâta peut-être sa tin. Il s’éteignit en effet la même année dans sa terre de Val-Richer, laissant le souvenir d’un historien de premier ordre, d’un orateur puissant, d’un moraliste éloquent, d’un théologien rigide et un peu étroit, enfin d’un politique bien intentionné, mais peu clairvoyant, en retard sur son siècle et souvent égaré par une imperturbable foi dans sa propre infaillibilité. A. Debidour. GUIZOT (M» e ) (née Elisabeth-Charlotte-Pauline deMeulan), femme de lettres française, née à Paris le 2 nov. 1773, morte à Paris le 1 er août 1827. Fille d’un receveur général de la généralité de Paris, elle passa ses premières années au milieu du luxe ; mais son père mourut en 1790, la laissant presque sans fortune. Elle vécut tant bien que mal pendant la Terreur, à Passy, avec sa mère, son frère et trois sœurs, puis eut recours aux lettres pour subvenir aux besoins de sa famille. Lin spirituel roman, les Contradictions, parut en 4800 et la fit connailre ; la Chapelle d’Ayto ?i, roman d’un genre tout différent et ou domine la sensibilité, la révéla sous un autre jour peu de temps après. Mais elle se fit surtout distinguer par les articles de critique et de morale que Suard lui demanda pour le Publicistc. Malheureusement elle tomba malade en 1807 et ne put continuer cette série d’articles qui faisaient le succès du journal. Un anonyme lui offrit de la remplacer, et elle accepta, après quelques hésitations. Cet obligeant et mystérieux ami n’était autre que l’historien Guizot, qui, s’étant fait connaître, épousa en 1812 M Ue Pauline de Meulan. Son rôle de mère de famille lui inspira de nouveaux ouvrages, ou l’on retrouve le style net et élégant de ses premières œuvres, mis au service d’une morale élevée et attrayante ; ce sont : les Enfants, contes (1812) ; l’Écolier ou Raoul et Victor (1821) ; Nouveaux Contes (1823) ; Education domestique ou Lettres de famille sur l’éducation (1826) ; Une Famille (1828) ; Conseils de morale (1828). En même temps elle secondait son mari dans ses recherches sur la littérature anglaise. Mais ces travaux excessifs altérèrent sa santé qui avait toujours été fort délicate, et elle s’éteignit au milieu des siens, écoutant son mari lire un sermon de Bossuet sur l’immortalité de l’âme. Une partie de ses articles du Publiciste avaient été réunis en 1802 dans Essais de littérature et de morale (1 vol.).