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ils devisaient tous deux



Et le malheur l’avait frappé souvent. Les rides
Avaient marqué son front d’un sillage acéré,
Comme le soc de fer marque un champ labouré,
Et l’on voyait la nuit dans ses grands yeux arides…


Il venait de donner son « bien » à son garçon,
Et tous deux ils parlaient des richesses futures.
Le fils disait : « Plus tard, j’abattrai ces clôtures,
« Et je ferai courir mon champ jusqu’au buisson.

« La savane perdue où le lierre s’enlace,
« Je veux l’ensemencer d’orge et de seigle fin.
« Là-haut, je sèmerai du tabac et du lin,
« Et ma femme, le soir, filera la filasse… »

Il montrait le lointain d’un geste magistral.
« — Moi, je ne verrai pas cela, dit le vieux père :
« Quand tu viendras semer ce grand lopin de terre,
« Depuis longtemps, les os ne me feront plus mal » !…