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aux femmes : « Levez-vous, mettez la soupe au feu, préparez la cuite de pain, rangez les chaudrons, ouvrez les lits pour la nuit »… Elles étaient accoutumées de vivre l’une à côté de l’autre. Sans doute, à force de voir son visage, tous les jours à la même heure, l’horloge l’aimait ma bonne vieille et depuis qu’elle est partie elle est dans la peine et n’a plus de goût pour rien… Elle n’a pas voulu avancer d’une seconde, elle n’a pas frappé un coup depuis que ma pauvre vieille est morte… Oui, j’te le dis, ma fille, c’te horloge-là elle a un cœur comme toi et moi !… L’émotion lui serrait la gorge. Il parlait maintenant d’une voix étouffée où montaient des espèces de sanglots contenus. Puis deux larmes coulèrent de ses joues et tombèrent sur ses mains ridées…

— Tu vois pourtant, continua-t-il, en se levant et secouant vivement du doigt le balancier, les ressorts et les aiguilles de l’horloge, tu vois comme tout est bien en place et d’aplomb. Elle n’a rien de dérangé. Elle est solide comme un vieux brick. Non, ce qu’elle a, vois-tu, c’est du chagrin. Elle ne peut pas se consoler, et elle pleure à sa manière… Oui, j’te le dis, ma fille, aussi vrai que je suis ici, c’te horloge là elle a un cœur comme toi et moi !… »