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nourriture, il ne nous restait qu’une couple de tranches de pain. Mon père disait toujours : « Demain, je serai assez bien pour aller à la chasse », et le lendemain lui apportait encore la même déception. Sa blessure ne lui permet pas d’agir et de travailler.

Donc, nous étions là, à prier intérieurement le Ciel de venir à notre secours. Le poêle faisait entendre son léger ronflement et la bonne chaleur se répandait autour de nous. Or, voici que nous entendons tout à coup des bruits étranges, une sorte de plainte rauque et prolongée, et des craquements qui n’étaient pas les craquements ordinaires des arbres pliés par le vent. Mon père, après avoir écouté longuement, dit : « C’est le cri d’un orignal blessé. Mais, que diable, personne ne peut chasser par un temps semblable ! » Nous ouvrîmes la porte, et regardant du côté d’où venaient ces bruits, nous vîmes, tout près de notre maison, à demi enfoncés dans la neige, deux énormes orignaux qui se trouvaient emprisonnés par leur panache. Ils cherchaient à se dégager l’un de l’autre, mais leurs efforts ne servaient qu’à renforcir le lien. Du sang bien rouge luisait sur la neige… — « Cela arrive souvent dans les