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n’avait pour tout bien que cette maison et le morceau de terre qui s’étendait autour sur une distance de quatre ou cinq arpents. Mais il était inculte, en partie couvert de roches et de souches. Elle rêvait de cultiver un jour avec moi ce terrain et d’en retirer un petit revenu chaque année. J’étais alors un petit garçon à l’air sage, aux yeux vifs, aux longues boucles frisées qui me retombaient sur les épaules… Hélas ! que ces beaux jours sont loin de moi ! Plus je grandissais, plus elle me parlait sérieusement de son projet. « Mon « fi », disait-elle, en son langage rustique, mon « fi », dépêche-toi de pousser, il y a de l’ouvrage qui t’attend ! On travaillera tous les deux, ce sera amusant… Tu amasseras ton argent, sou par sou, et tu pourras ensuite agrandir ton bien et acheter une lisière du voisin. Ça donnera du beau foin, tu verras ; ensuite tu t’achèteras des moutons et des vaches, tu prospéreras, je te le dis, mon « fi », tant que j’aurai les deux yeux ouverts ! » Et son regard s’attachait sur moi avec un amour intense mêlé d’orgueil.

En attendant que je fusse assez grand pour commencer avec elle le travail des champs, la pauvre vieille peinait bien fort