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je gagnais de jolies sommes. Grâce à mon travail nous vivions sans connaître la misère. Parfois, je pouvais acheter chez le marchand de l’endroit les plus belles soies dont ma femme aimait à se parer. Ses yeux riaient alors, tout son visage rayonnait, et par sa joie j’étais payé de mes peines.

Mais malgré tout le mal que je me donnais pour la rendre heureuse je la vis rapidement devenir songeuse et mélancolique. Son front se penchait en de longues rêveries dont elle me cachait le motif. Paraissant se détacher de tout, elle passait des heures entières sur la grève à contempler l’horizon. Ses grands yeux, bleus comme la vague, se perdaient dans le lointain, s’y enfonçaient, s’y attachaient obstinément. Elle rêvait à son pays, à la brumeuse Angleterre.

Ô rives enchanteresses du pays où l’on naît, où l’on grandit, rives qui répétez les chants de notre enfance et qui résonnez de la voix de nos pères, ô rives du pays natal, vous serez donc toujours, pour tout être humain, le plus beau coin de l’univers !…

Hélas ! ce que j’avais redouté arriva. Peu à peu, ma compagne fut prise du mal du pays, et, un jour que je m’étais attardé