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SOUVENIRS D’UN FANTÔME.

nèrent à cette ivresse d’amour qui égare plus encore que celle des festins.

À une heure donc, l’étrangère, donnant un baiser froid à Grimani, le rendit à lui-même ; ses yeux se dessillèrent, et il demeura surpris de se trouver la nuit, aussi avancée, dans un lieu pareil, tandis que, naguère, il était assis à table au milieu de ses amis ; peu à peu ses idées reprenant leur cours ordinaire, il se rappela ce qui s’était passé, en frémit et se hâta de fuir, ne sachant plus ce qu’il devait faire, et s’il continuait à être le jouet d’une illusion ou la victime d’une cruelle réalité.

Il rentra au palais Frégose : nul ne s’était aperçu de son absence, et lui-même, quand il en sortit, put croire qu’il avait rêvé tout ce qu’il avait vu et qui l’avait tant agité.

Un autre jour encore s’écoula ; cette fois, le marquis, fatigué, se coucha de bonne heure, espérant que le sommeil le délivrerait de ses