Page:Lampryllos - Le Turban et la Tiare, 1865.djvu/12

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Turcs[1] ; mais il n’a rien à faire avec la doctrine chrétienne, celle qui a été formulée par les grandes assemblées constituantes du christianisme, telle que les Roumains l’ont reçue pure de toute adultération papale.

Ils le savaient d’expérience, ceux qui ont préféré se placer sous la domination des Turcs, pour échapper au joug de ces bons chrétiens. Mais cédons ici à la plume distinguée d’un écrivain mieux autorisé que nous pour parler de cette matière. « Grégoire IX, voyant que la ruse avait échoué (près du roi des Valaques et des Bulgares), eut recours à la violence ; un bref adressé en 1234 au roi de Hongrie André II, beau-père de Jean Assan III, lui ordonne d’exterminer les schismatiques de Transylvanie. Les dominicains et l’inquisition se mirent immédiatement en mesure d’exécuter les ordres sanguinaires de l’évêque de Rome. Les bûchers s’allumèrent de toutes parts, et ne s’éteignirent que sous le règne de Bella IV. La haine que ces persécutions atroces suscitèrent parmi les Roumains contre la domination hongroise, jointe à la terreur que les Mongols inspirèrent, en décida un grand nombre à suivre au-delà des Karpathes Radu-Négru, qui devint ainsi le fondateur de la principauté de Valachie (1241). Quant aux jésuites, ils n’ont pas eu la consolation d’enterrer nos femmes vivantes comme ils l’ont fait dans les Pays-Bas. La force leur manquait plus que la volonté. Toutefois ils ont essayé en mainte occasion de s’insinuer dans la faveur du Padishah. Ils n’ont réussi qu’à rendre odieux aux Valaques le nom de papistes… Il n’y a pas d’intrigues qu’ils n’aient employé pour prendre racine dans le pays. La Turquie leur en ouvrit plusieurs fois l’entrée, par exemple en 1587, sous Mishne II, l’apostat. Il est vrai que Mishne, déposé à cause de ses cruautés, après avoir été le protecteur des jésuites, se fit musulman et devint pacha d’Alep[2]. »

Voulez-vous savoir maintenant comment cette belle campagne des dominicains en Transylvanie est racontée dans un ouvrage intitulé : la Hongrie ancienne et moderne, par une société de littérateurs, sous la direction de M. Boldeniy (Paris, 1853) ? Ouvrez la page 88 : « La conservation du catholicisme parmi les populations slaves de la Hongrie est probablement due à Théodore Koriatovics, prince ruthène immigré, et au peuple Magyar, du sein duquel sortirent successivement, et notamment en 1236, des émissaires dominicains qui allaient prêcher la vraie foi même jusqu’en Cumanie. » Mais s’il en est ainsi, n’avait-elle pas cent fois raison, l’Autriche, de sévir contre la Hongrie, lorsqu’elle allait abandonner la vraie foi ?

  1. La Hongrie, par M. L. Chassin, pages 194, 210.
  2. La Vie monastique en Orient, par la comtesse Dora d’Istria, 2e édition, page 104. Pour ce qui regarde les Pays-Bas, l’auteur s’en rapporte à l’ouvrage de MM. Michelet et Quinet : les Jésuites.