Page:Lampryllos - Le Turban et la Tiare, 1865.djvu/16

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Je n’ai fait que citer ici les passages de divers ouvrages dans lesquels cette exclamation : Mieux le Turc que le Pape ! ou des expressions équivalentes sont formellement énoncées ; mais, pour bien comprendre l’énormité des maux qui ont provoqué ces manifestations, il faut lire un grand nombre d’ouvrages et d’opuscules qui ont paru dans ces dernières années, et surtout le discours du prince Napoléon au Sénat, où se trouvent accumulées des dépositions émanées de personnes officielles ou d’une grande autorité[1]. Partout cette exclamation, si elle n’est pas prononcée, se trouve du moins implicitement contenue. Et ceci pour la France seule. Mais que serait-ce si on avait à sa disposition les relations qui ont dû émaner des envoyés des autres pays. N’en avons-nous pas cité une qui provenait même de l’Autriche ?

Pour revenir à ce que nous disions en commençant, nous nous résumons en faisant observer que l’expression de Notaras n’a aucune signification ; ou, si elle en a une, elle tourne plutôt à la confusion du papisme, puisque plusieurs nations chrétiennes l’ont également prononcée dans leur désespoir. Pour les Orientaux, elle représente l’équivalent du fameux : « Périssent les colonies plutôt que le principe[2] » avec la différence toutefois que ceux qui ont exprimé cette dernière résolution ne s’exposaient eux-mêmes à aucun péril, tandis que les premiers savaient bien à quelle affreuse tyrannie ils allaient s’exposer de la part des musulmans. Mais ils se sont dit : Périssons nous-mêmes plutôt que le principe. On leur disait : Soyez apostats. Ils répondaient : Soyons martyrs.

  1. Voyez encore Hubaine, le Gouvernement temporel des papes jugé par la diplomatie. — Dentu.
  2. Ce principe, après tant d’efforts et de sacrifices de toutes les nations européennes, vient d’obtenir enfin de nos jours son triomphe définitif, à la suite de cette terrible lutte dans les États-Unis d’Amérique. Mais, au manifeste de séparation du gouvernement des esclavagistes en 1864, lequel, croiriez-vous, seul de tous les gouvernements européens, a fait l’honneur d’une réponse officielle pour exprimer ses sympathies ? Ce fut celui du pape ! (Voir le Journal des Débats du 26 décembre 1864.) Il doit se cacher là quelque mystère que le temps nous éclaircira mieux. Au Vatican, on ne donne rien pour rien. En vain, certaines personnes, dans les journaux cléricaux, ont tenté par piété filiale d’y jeter un manteau, en tâchant de faire accroire que les esclavagistes se proposaient d’émanciper eux-mêmes leurs esclaves et que c’est pour cela qu’ils avaient mérité cet honneur. Voyez la réfutation de cette ingénieuse invention par M. Auguste Léo, dans le même Journal des Débats du 28 décembre 1864 ; ou plutôt, cherchez-la dans les colonnes du Monde catholique de ce dernier mois de juin, où vous verrez son affliction inconsolable du triomphe du Nord et des désastres des esclavagistes. Vous y verrez aussi poindre la corne du mystère dont nous parlions.

Paris. — Imprimerie SERRIÈRE et Ce, rue Montmartre, 123. — Fonderie, Clicherie.