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Page:Lamy, Féron - Dans la terre promise, paru dans Le Soleil, Québec, du 21 nov au 17 déc 1929.pdf/104

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service. Là, je pus juger à sa valeur la belle solidarité canadienne.

« Malgré que les semailles ne fussent pas terminées, chacun voulait que je me rebâtisse de suite. J’empruntai donc 1000 dollars à la Banque (moi qui n’avais jamais eu de dettes !) et achetai de quoi bâtir maisonnette et étable. Je choisis un autre site, car l’ancien nous faisait trop mal au cœur — l’actuel où la dite maisonnette conservée à formé une aile de ce logis. J’avais une dizaine d’hommes à ma disposition ; c’est assez dire que tout alla vite.

« Nos gens ajoutèrent à cela de l’avoine pour semer et pour mes chevaux, avec le prêt de leurs semoirs et un peu de foin. Mais ce qui me toucha particulièrement, ce fut le témoignage flatteur qu’ils se plurent à me donner, les uns les autres, concernant ma droiture ordinaire dans les transactions et rapports de voisinage (même l’américain dont j’ai parlé). Preuve que l’honnêteté est encore ce qu’il y a de plus payant en tous temps, en tous lieux !

« Malgré toutes ces consolations, je restais sombre — de cette tristesse que les voisins m’ont toujours connue depuis — un noir pressentiment me disait que j’étais à un sinistre tournant de ma vie et que ce premier malheur serait suivi de beaucoup d’autres (car ils voyagent ordinairement en troupe). Je ne me trompais pas.

« Ma pauvre femme avait été singulièrement frappée du désastre ; or, elle était à son insu atteinte d’une hypertrophie du cœur ; la peur éprouvée, jointe à la déconvenue de la perte — laquelle nous ramenait à 10 ans en arrière aggravèrent secrètement son état.

« Ensuite, des deuils de familles survinrent. Nous reçûmes la nouvelle, à un mois d’intervalle, de la mort de mon père, suivie de celle de ma mère ; nous perdîmes aussi notre petit Louis âgé de 2 ans ; tout cela dans la même année.

« Puis, un matin, ma bonne Lucile