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colons touchaient Prince Albert.

Disons de suite que les magnifiques champs de blé du Manitoba, après la fonte des neiges, avaient révélé à nos colons un charme doré tout prometteur de merveilles, d’abondance et de joies de toutes sortes. Souvent aussi, le regard pouvait découvrir à distance de fort belles pièces de terre noire — parfois de grande étendue — soit labour d’été, soit labour d’automne. Çà et là, de prodigieuses meules ou tas de paille dont l’aspect hypnotisait… et là encore, abandonné et solitaire, un « train de battage » de mine puissante. D’abord, l’énorme batteuse actionnée par la vapeur. Plus loin, la locomobile et le wagon-réservoir qui fournit l’eau nécessaire à la machine ; puis viennent les charrettes qui font le transport des gerbes de blé et d’avoine, et les deux roulottes qui suivent le train, celle du cuisinier et celle des hommes d’équipe. Oui, un véritable convoi, stationnaire, si l’on veut, et sans mouvement à cette saison, mais un convoi qui, aux yeux de ces éventuels colons déjà émerveillés par les immensités qui s’offraient à leurs yeux, prenait de prodigieuse proportions.

Il est bon à remarquer ici que l’œil du voyageur ordinaire ou du touriste ne voit pas les choses sous la même couleur, si l’on peut dire, que l’œil de l’homme qui s’en va mêler sa vie à ces mêmes choses : le premier n’y jette qu’un regard curieux et assez indifférent, le second y fait déjà pénétrer son esprit en même temps que son regard.

Au surplus, comme pour mieux exciter l’admiration, sinon l’imagination de leurs voyageurs, les employés du chemin de fer disaient obligeamment :

— Voyez… c’est un train de battage ! L’automne passé il a fait soixante-douze jours de travail avec une équipe de vingt-deux hommes, et a battu — blé, avoine, orge et