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VI


Le lendemain, sous un soleil radieux, la nature avait pris un tout autre aspect : elle était parée du plus beau vert. Les grains se remettaient de leurs brûlures. Les plantes du jardin avaient un air réjoui dans le voisinage des fleurs qui ouvraient leurs corolles odoriférantes. Et les feuillages sous la brise bruissaient avec une air de fête que rehaussait le ramage des oiseaux. Les poules dans la cour de l’étable caquetaient à qui mieux mieux. Bref, c’était un jour de gloire…

Seulement, il faudrait encore de la pluie : ce qui était tombé ne serait pas suffisant pour arrêter le travail malfaisant des vers. La tige du grain se trouvait trop tendre encore, ces petites vermines la coupaient avec une facilité et une avidité sans pareilles. Par bonheur le firmament se recouvrit un matin, et une pluie fine poussée par un vent glacial du Nord-Est se mit à bruiner sur le pays.

— Nous sommes sauvés, s’écria encore joyeusement Placide, pourvu que ce temps tienne seulement deux ou trois jours !

C’était aussi l’avis de l’engagé.

Ce temps-là ne dura qu’une journée. Le soir il y eut changement. Le ciel s’emplit d’étoiles et il fit si frais qu’on dut fermer portes et fenêtres : dans la nuit une forte gelée vint tuer le jardinage, pommes de terre et autres plantes moins résistantes que les oignons, carottes et navets.

Deux jours après, on pouvait même remarquer, en certaines baissières, que la gelée avait fortement attaqué la tige des blés. Quant aux avoines, elles reprenaient rapidement croissance.

Ce sont là les coutumières tracasseries du fermier de l’Ouest, et de bien d’autres pays, c’est vrai ; mais peut-être l’Ouest Canadien est-il l’unique pays où tous les maux relatifs à la pousse des grains puissent se réunir. Si, à la vérité, ils ne fondent