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l’explication dans le fait que le « stores » à l’époque étaient très mal fournis, et leurs denrées pas toujours très fraîches : leurs viandes également mal débitées. Le consommateur avait donc intérêt à acheter directement aux producteurs ; mais ceux-ci par timidité n’allaient guère frapper à sa porte. Dans ce premier essai je pus me convaincre qu’il y avait non seulement du débouché pour les légumes, mais encore pour du beurre des œufs, des volailles, du lait, de la crème ; et en hiver les viandes par quartiers : bœuf, porc, mouton, etc. toute une entreprise à tenter.

« Mais je n’avais pas tant d’ambition : il me suffisait pour l’instant de placer mes patates, ce que je fis voyageant deux fois par semaine mû par cette énergie que donne la nécessité. Je ne m’arrêtai que lorsque le bac qui traversait à Saint Louis fut immobilisé par les premières glaces, c’est-à-dire au commencement de novembre, mais j’avais réalisé les deux tiers, soit 300 minots de ma récolte.

« En ces temps primitifs, il n’y avait pas de ponts sur la rivière Saskatchewan, et l’hiver il fallait traverser sur la glace, avec l’inconvénient en cas de dégel inopiné, de ne plus pouvoir repasser durant une semaine ou plus, ce qui arrivait en novembre tout aussi bien qu’en mars.

« L’hiver, cette année-là, fut plus rude que le précédent — il est vrai que les colons trouvent toujours le second hiver plus dur que le premier — la chasse aux fourrures s’en ressentit en ce qui concernait les visons et belettes ; cependant, comme je pris, d’autre part, plusieurs chats sauvages (lynx) et une centaine de rats musqués, dont je n’avais pas encore daigné m’occuper, vu leur bas prix, mais ils étaient montés à 5 sous ; (aujourd’hui ils valent un dollar et demi), cela fit compensation.