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mon Gagnon, qui ne parut chez moi que le surlendemain. Je peux ajouter que ces heureux Canadiens n’ont pas seulement pour eux la gaieté, la joie de vivre, mais encore une activité au travail absolument remarquable. Personne ne peut leur être comparé pour le maniement de la hache et les ouvrages en bois : celui-ci, qui tenait de race, nous bâtit notre demeure avec une célérité parfaite.

« Pendant que je l’avais sous la main, j’en profitai pour lui faire finir une petite grainerie déjà ébauchée ; les soucis et retards que m’avait occasionnés son négatif et incoercible Barney, méritaient bien une petite compensation !

« Disons pour terminer que Gagnon n’eut pas à regretter son marché avec moi ; il reçut vers le 15 novembre une bête superbe valant certainement le double de ce qu’il m’avait fourni.

« Notre annexe finie, et les pluies ayant cessé, j’entrepris avec ma femme la mise en meulons du blé. À l’époque, vu la rareté des batteuses et surtout leur faible capacité, on ne laissait pas comme aujourd’hui les gerbes dans le champ jusqu’au moment du battage où on les charrie directement à la machine, le risque eût été trop grand : — mais c’était là un travail nouveau pour des Parisiens, je vous en réponds !

« Pour dire vrai, peu de fermiers dans l’Ouest savent faire une meule parfaite, et je n’en ai guère connu dont les « meulons » fussent absolument étanches ; à plus forte raison les nôtres si ridicules d’aspect malgré ce qu’ils nous avaient coûté de temps et de peines. Décidément, il fallait encore s’en remettre à la Providence du soin de sauver mon pauvre grain en lui épargnant la pluie !

« Heureusement, le vent d’Ouest s’était levé, amenant la sécheresse (en Europe c’est celui d’Est), or, quand il souffle c’est pour longtemps. Jugeant mes meulons à point, j’eus