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Page:Lance, Dictionnaire des architectes français, 1872, tome I.djvu/39

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XXVII
INTRODUCTION.

Les honoraires des architectes étaient-ils, dans les siècles précédents, comme aujourd’hui, exactement proportionnés à l’importance des travaux exécutés ? Pour répondre avec certitude à cette question, il faudrait trouver à la fois dans les anciens documents, en regard des honoraires payés, le chiffre des travaux exécutés ; or c’est ce que je n’ai rencontré qu’une seule fois. À mon avis, le taux des honoraires était en quelque sorte facultatif de la part des administrations civiles ou religieuses qui faisaient construire, et il était proportionné au mérite de l’artiste plus encore qu’à la dépense effectuée[1]. Vers 1620, Salomon de Caus, étant en négociation avec l’échevinage de Rouen à propos de la construction d’un pont à jeter sur la Seine, offrait de présenter quatre dessins qui lui seraient payés « deux cents écus et il ajoutait :

    isolé ; en faisant ainsi contribuer ses justiciables, Desgodctz se conformait à un usage reçu. Doit-on en conclure que cet usage était de règle absolue et que les architectes avaient le droit de prélever des honoraires supplémentaires sur le montant des mémoires qu’ils avaient réglés. Cela paraît bien probable.

    Le second de ces mémoires concerne le même établissement et date de l’annce 1726. Les vacations y sont comptées à 6 livres au lieu de 4 livres 10 sous qu’elles valaient en 1717. On ne s’explique pas tout d’abord la raison de cette augmentation de prix ; il faut se rappeler que cette époque est celle du système de Law et des plus grandes perturbations qui se soient produites dans l’économie monétaire. En effet, après avoir, en 1720, exagéré la valeur nominale des livres d’argent, le gouvernement d’alors renonça à soutenir ces espèces, ce qui les déprécia tellement que la livre tournois, qui valait 1 fr. 25 en 1717, ne valait plus en 1726 que 1 fr. 02 c., après être tombée à 0 fr. 66 c. en 1723. D’où il résulte que la vacation d’architecte, taxée à 6 livres en 1726, n’était pas payée plus cher qu’en 1717.

  1. Cette façon de rémunérer les architectes avait pour elle, on en conviendra, le mérite d’être rationnelle et équitable. En effet, payer pour une dépense de 100.000 francs, par exemple, les mêmes honoraires à un Duban qu’au dernier des métreurs, des menuisiers ou des tapissiers qui s’intitule architecte, n’est-ce pas le comble de l’absurde et de l’injuste C’est pourtant ce qui se voit tous les jours. Comme il suffit de se dire architecte pour l’être en effet aux yeux du monde et recueillir les bénéfices de sa supercherie, il en résulte que notre honorable profession est convoitée et envahie par les déclassés, les intrigants, qui l’exploitent à qui mieux mieux et trop souvent la déshonorent.