Page:Landormy - Brahms.djvu/63

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crier sur les toits et il n’appuyait pas le sentiment de son mérite propre sur le mépris de tous ses rivaux. C’était un homme raisonnable et non le fou passionné que fut Wagner. Il était modeste, si la modestie n’exclut pas, implique même une juste appréciation de soi-même. D’aucuns penseront qu’il manquait de génie, si le génie du moins est apparenté avec la folie ou avec la passion tumultueuse et sans frein. La vie de Brahms ressemble trop à celle d’une foule de bons bourgeois allemands, très pondérés, très équilibrés : et voilà qui lui fait du tort. Nous n’imaginons pas volontiers qu’un artiste puisse être si sage, si tranquille, si peu différent du commun des mortels. Et il y a si peu de roman dans l’existence de Brahms !

Ses affections, ses espoirs, ses chagrins, ses mélancolies, ses joies, rien n’y sort de l’ordinaire. Il a beaucoup aimé ses parents. Il a témoigné une tendresse filiale à ses deux premiers protecteurs, Robert et Clara Schumann, — et à Clara peut-être quelque chose de plus. Il fut attaché à ses amis. Il pleura ceux qu’il vit disparaître. Il souffrit du vide relatif d’une existence qui ne pouvait être entièrement remplie par l’art auquel il avait voulu la consacrer.